En regardant la Seine depuis le Quai d’Orléans, il est facile d’imaginer que le temps s’arrête. Les péniches passent, des mouettes survolent l’eau, et les cloches de Notre-Dame-de Paris sonnent derrière le Pont Saint-Louis. Cependant, une telle scène, malgré son caractère intemporel, peut dissimuler les bouleversements de la civilisation occidentale qui se sont succédés le long de ces rives. 

Le 13 novembre 2015, le monde entier s’est tourné vers Paris après que des terroristes ont assassiné 130 personnes à Paris et Saint-Denis. L’état d’urgence était déclaré, et entre choc et tristesse collectifs, les Parisiens sont hantés par le souvenir traumatisant de ce qui vient de se passer.  Deux semaines après les attentats, la ville a accueilli les délégués du monde entier pour négocier une résolution mondiale, visant à limiter les conséquences croissantes du réchauffement climatique sur la société humaine. L’Accord de Paris, signé le 12 décembre 2015 par 196 États participants, constitue un modèle de coopération mondiale, sur l’un des principaux défis que rencontre l’espèce humaine. Sa résolution à transformer les pratiques en terme d’énergie au niveau mondial, a pour objectif de limiter l’augmentation de la température moyenne à moins de 1,5 degrés Celsius, ce qui a été reconnu unanimement comme un succès historique pour la coopération internationale sur le climat par les dirigeants du monde entier.  

 
Messages sur un mur dans le 11ème arrondissement de Paris, décembre 2017.

Messages sur un mur dans le 11ème arrondissement de Paris, décembre 2017.

Sécheresses, crues, famines, élévation du niveau de la mer, propagation des maladies, détérioration de la biodiversité marine et terrestre – voilà quelques exemples des conséquences écologiques d’une hausse rapide de la température mondiale prévue dans les prochaines années.

Pour nos sociétés, l’ampleur de ces conséquences aura un impact sur tous les autres aspects de notre réalité mondialisée. Est-ce que ces changements entraîneront conflits, migrations, et insécurité économique ? Affecteront-ils certaines régions lointaines du monde, ou est-ce qu’ils arriveront à nos portes ? Ces changements ont-ils déjà commencé ?

En France, avec un climat et une géologie favorablement stables, des catastrophes naturelles telles que les éruptions volcaniques et les ouragans semblent plutôt exotiques pour le français moyen. Le risque naturel le plus important, et qui concerne le plus de Français, est l’inondation, qu’il s’agisse de crues lentes de fleuves, ou de crues rapides dans les vallées montagneuses. En 2018, au cours du mois de janvier le plus chaud en France depuis 1900 selon Météo France, la Seine est sortie de son lit, et a atteint 5,84 mètres dans Paris, à l’échelle d’Austerlitz, qui sert de référence. Des records de températures et de précipitation ont été enregistrés à travers l’Hexagone. D’importants dégâts matériels et l’interruption des infrastructures ont été parmi les conséquences de ces inondations.  

 
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Scènes de la crue hivernale de la Seine à Villennes-sur-Seine, Yvelines le 4 février 2018. Tandis que les résidents ont trouvé des façons créatives pour s’adapter à la situation, les inondations ont causé des dégâts matériels importants dans la Vall…

Scènes de la crue hivernale de la Seine à Villennes-sur-Seine, Yvelines le 4 février 2018. Tandis que les résidents ont trouvé des façons créatives pour s’adapter à la situation, les inondations ont causé des dégâts matériels importants dans la Vallée de la Seine.

Alors que des inondations telles que la crue de la Seine en 2018 ne sont normalement pas attribuées au changement climatique, on s’attend à ce que les régimes de précipitation changent en Europe. 

Maisons inondées et routes bloquées ne sont peut-être que des nuisances temporaires pour une société capable de s’adapter et de réparer ses infrastructures, mais une succession d’anomalies météorologiques, telles que sécheresses et précipitations irrégulières, pourraient représenter les preuves d’un changement climatique rapide. Dans une économie où la consommation d’une personne est autant liée à une ville industrielle en Chine, qu’à un village en Corrèze, nous sommes confrontés à des questions exigeantes par rapport à notre place dans la société mondiale et à notre responsabilité pour envisager et agir au-delà des frontières. 

 
La vue des bureaux de la Ministère de la Transition écologique et solidaire, La Défense, avril 2018.

La vue des bureaux de la Ministère de la Transition écologique et solidaire, La Défense, avril 2018.

À la Grande Arche de la Défense se trouvent les bureaux du Ministère de la Transition écologique et solidaire, la partie du gouvernement français en charge du développement des réponses au changement climatique. 

Pour les agents de ce ministère, les sujets d’importance sont en constante mutation, entre les villages alpins menacés par la fonte des glaciers ou les négociations sur la pollution et les émissions à l’échelle européenne et internationale. Pour plusieurs raisons, la France semble être bien partie pour atteindre la « neutralité carbone » avant d’autres pays européens. Grâce à l’importante puissance nucléaire installée (71,7 %), et une transition vers les sources d’énergie renouvelables (20,3 %), la France a produit seulement 7,2 % de son électricité à partir de combustibles fossiles en 2018 selon RTE France. La dernière mine de charbon français, localisée dans la ville de Creutzwald en Moselle à proximité de la frontière allemande, a fermé en avril 2004.  

Ces dernières années, le gouvernement français s’est imposé comme l’un des leaders au niveau mondial sur les questions liées au changement climatique. En tant que pays organisateur des négociations de la COP21 qui ont permis de donner naissance à l’Accord de Paris, la France joue un rôle de facilitateur entre les grandes économies mondiales. En tant que dixième économie au monde, la France peut à juste titre prétendre polluer moins que ses concurrents, malgré les critiques par rapport à son énergie nucléaire. Pourtant, le pays continue à émettre des quantités importantes de gaz à effet de serre qui viennent des secteurs du transport, de l’industrie, de l’agriculture et du chauffage résidentiel. De plus, dans cette phase post-industrielle, si les importations et exportations de biens manufacturés sont prises en compte, le bilan français des émissions de CO2 enregistre une augmentation supplémentaire de 53,9 % (705 Mt CO2e vs. 458 Mt CO2e) selon le Ministère. Dans une économie mondialisée, la pollution liée aux particules, et bien évidement, les émissions de gaz à effet de serre, sont elles aussi aussi externalisées entre les pays consommateurs et les pays producteurs.  

 
Chantier pour les turbines éoliennes, Lozère, Massif Centrale, juillet 2018.

Chantier pour les turbines éoliennes, Lozère, Massif Centrale, juillet 2018.

Route dans la campagne près de Saint-Étienne, juin 2018.

Route dans la campagne près de Saint-Étienne, juin 2018.

Une chose est sûre – l’Ère industrielle est partie vers d’autres pays.

Dans Germinal d'Émile Zola, le protagoniste Étienne Lantier parcourt la campagne jusqu'à tomber sur la mine du Voreaux, qui émerge de l'ombre avec « un air mauvais de bête goulue, accroupi là pour manger le monde ». Pendant plus d'un siècle, les mines de charbon ont recouvert le paysage français dans des endroits comme le Pas-de-Calais et la Loire près de Saint-Étienne. Un voyage en train de Paris à Marseille était rendu possible par le charbon creusé par des milliers de mineurs français. Aujourd'hui, les mines sont fermées, mais si l'on écoute attentivement, on peut encore entendre les marteaux frapper sous terre. Ou regardez en l'air, vous verrez de grands nuages de fumée venant de l'Est.